un village urbain
Coincé entre Pantin, le 19e arrondissement et les Lilas, le Pré Saint-Gervais porte un nom qui évoque plutôt l’idée de batifoler dans l’herbe. Pourtant, qu’on arrive de Pantin, par les 7 Arpents, ou des Lilas en longeant le périphérique, il faut une bonne dose d’imagination pour saisir le fameux esprit village du « Pré » comme disent ses habitants.
La plus petite commune d’Ile-de-France est aussi la plus densément peuplée. 18 000 habitants pour 70 hectares ! Même si l’urbanisme n’est pas toujours des plus heureux, des détails font écho aux promenades champêtres que les Parisiens venaient y faire au 19e siècle, avant que cela ne devienne un quartier urbain et ouvrier : l’Hôtel de Ville – socialiste depuis 1904 – avec son parterre fleuri et son perron ; les rues arborées et les pavillons de la Villa du Pré ; les sentes qui montent aux Lilas ; la cité-jardin des années 1930 ; les jardins partagés qui ont plus récemment poussées sur des dents creuses.
Comme beaucoup de villes de la petite couronne, le Pré Saint-Gervais se boboïse. Ses maisons avec bambous et ses « volumes atypiques » s’arrachent, de plus en plus chers, chez les familles parisiennes qui veulent passer le périph. Beaucoup d’intermittents et d’artistes dans les années 1990 et 2000, de plus en plus d’avocats et de cadres sup’ aujourd’hui. Sous la pression immobilière, les retraités de la classe ouvrière doivent parfois se résigner à partir. Les 48% de logements sociaux protègent malgré tout la ville d’une gentrification excessive et préservent sa mixité sociale, avec plus de 60 origines culturelles différentes.
Héritage de l’utopie laïque de l’éducation populaire, son tissu associatif traditionnel s’est enrichi d’initiatives d’habitants telles que Les Copains d’Abord, qui trimballent leur triporteur pour offrir un p’tit kawa solidaire devant les écoles, la Rue est à Nous, qui organise des supers fêtes de quartier, ou encore On y Danse, qui mélange les genres pendant ses bals pop’ intergénérationnels. Autant d’actions qui, comme l’urbanisme à taille humaine de la ville, font vivre la mixité au quotidien. Avec ses richesses et ses complexités. Le Pré, c’est un laboratoire à ciel ouvert. Il suffit d’aller faire son marché (même s’il est couvert !) un samedi matin pour s’en rendre compte. (Laure Watrin)